L’édition 2022 de Cantina le 22 mars dernier a soulevé la question du monde d’après en restauration d’entreprise qui connaît une révolution dans les tendances de modes de consommation. Les salariés ne souhaitent plus se restaurer comme avant, veulent plus de choix et se soucient de leur bien-être comme celui de la planète. Après un retour synthétique sur cette journée dans notre précédent numéro, décryptage de la 1re table ronde de l’après-midi sur l’émergence de la foodtech, la qualité et la diversité de l’offre des nouveaux acteurs du marché.
Par Noémie Giraud
Il est certain que la crise sanitaire liée au Covid-19 a été un accélérateur des tendances de restauration en collectivité. Même si cette amorce a pu commencer bien avant la crise, cette dernière n’a fait qu’amplifier les choses. Désormais, les attentes des consommateurs, notamment en entreprises, sont différentes, voire plus pointues. D’un point de vue gustatif, mais aussi concernant son lieu de restauration. Dans ce contexte, de nouveaux formats de restauration d’entreprise fleurissent un peu partout : foodtech, frigos connectés, click and collect… Avec pour seul leitmotiv : le bien-être du salarié, car c’est l’enjeu assez fort pour le faire revenir sur son lieu de travail, avec l’interaction sociale. Tous ces acteurs s’en sont bien rendu compte et n’hésitent pas à surfer sur la vague. Certains, comme Foodles, ont pu même multiplier par deux le nombre de leur site en 2020 et doubler de taille entre 2020 et 2021.
Une augmentation
du taux de captage
Et même si chacun d’entre eux a constaté une chute dans les taux de prise durant la crise, un quasi-retour à la normale est enregistré avec la levée des restrictions et le retour au bureau, même si ce dernier est ponctué de jours de télétravail. « Le

taux de captation s’est envolé avec la reprise du travail : en moyenne, il est passé de 40 % à 70 %, voire 80 %. Certes, les salariés sont moins présents avec le télétravail, mais lorsqu’ils sont au bureau, ils préfèrent rester manger sur place avec leurs collègues. Et dans ce cas, ils ont la volonté de se faire plaisir. On constate alors également une hausse du prix du ticket moyen », explique Pierre-Antoine Gallet, directeur général de Popote. Un élément important qui donne alors envie aux acteurs de la foodtech de s’investir et d’aller plus loin dans leurs offres. « Nous avons remarqué que le taux de captation était plus élevé, car il y a moins ce sentiment de lassitude avec le télétravail. En leur proposant d’autres types de solutions comme nous pouvons le faire, ils ont le choix et ont envie de rester sur place pour manger », souligne quant à lui Jérôme Lemouchoux, CEO de FoodCheri (groupe Sodexo).
Une attention particulière
sur la qualité
Si tous s’engagent à produire des repas à la fois sains, équilibrés et de saison, c’est aussi parce qu’ils remarquent que les salariés sont sensibles à cet élément. « C’est notre objectif pour notre marque. Nous savons par exemple que 25 % de notre empreinte environnementale provient de notre alimentation. Nous avons donc la possibilité de changer la donne trois fois par jour et nous essayons d’accompagner le consommateur à faire ses choix en conscience. Il ne faut pas oublier qu’un plat végétarien ne consomme que 250 g de CO2, quand un plat carné consomme 1,2 kg de CO2. Quand la viande choisie est du bœuf, cela monte jusqu’à 5 kg », continue Jérôme Lemouchoux qui a supprimé cette dernière dans ses offres. Quand certains font le choix de travailler avec des traiteurs à l’instar de Foodles, ils le font de manière stricte avec un cahier des charges imposant un taux de 20 % de produits bio, 100 % de volaille française, aucun additifs ni conservateurs ajoutés. « Lorsque nous concevons nos fiches recettes, nous allons demander d’où proviennent les origines, les labels, les produits, etc. C’est à travers la charte qualité que nous imposons à nos traiteurs que nous allons respecter les lois. Nous proscrivons même le plastique à usage unique de notre offre », indique Clément Bonhomme, cofondateur de Foodles, chez qui le gaspillage alimentaire est un gros sujet : chaque semaine des ventes flash sur des produits arrivant en fin de DLC sont proposées.
De la transparence et du bon
Transparence maximale avec Nutriscore et Écoscore, recettes testées avec les responsables Recherches & Développement, menus végétariens, produits locaux : l’obsession des foodtech est le bon pour la santé. Avec une internalisation de la production, « car nous sommes avant tout des restaurateurs », tiennent à rappeler Pierre-Antoine Gallet, Jérôme Lemouchoux et Sixte de Vauplane (cofondateur de Nestor du groupe Elior). Chez l’ensemble des acteurs, une carte courte est privilégiée pour faire « peu, mais mieux ». Cela leur permet également d’éviter les pertes alimentaires et d’optimiser les coûts. La saisonnalité étant importante, les plats ne reviennent en général pas plus de 3 fois dans l’année. Certains plaideront un changement de carte chaque jour, car travaillant en liaison chaude, notamment pour Nestor, quand d’autres la changeront une fois par semaine.
Vers un avenir
de restauration mixte ?
Cependant, tous affirment qu’il n’y aura pas de grands chamboulements. Leurs offres ne remplaceront pas entièrement la restauration collective et les SRC. « L’avenir, c’est la restauration alternative. La crise a mis en évidence le fait que pour

un certain nombre de clients, la restauration collective traditionnelle ne répondait pas à leurs besoins », estime Sixte de Vauplane, qui pense que l’offre doit pouvoir être flexible pour tous, dans la mesure où le télétravail restera présent. « Surtout, elle ne doit pas changer intégralement sur les gros volumes puisque de plus grandes entreprises ont besoin d’une offre de restauration d’entreprise. Nous ne devons qu’être complémentaires », ajoute Pierre-Antoine Gallet. La demande des salariés est présente, mais la question de la variété organoleptique n’est pas à négliger, comme le souligne Didier Chapuis, cofondateur de Festins de Bourgogne. « Mes collègues de la foodtech font des plats cuisinés, mais il y a un moment où les clients voudront quelque chose de croustillant tel que des rôtis, des poêlées comme peuvent le faire les SRC sur place. » Ce ne sera donc pas une seule formule gagnante, mais une combinaison factorielle, puisque cela permet également d’apporter de la restauration là où il n’est pas possible d’avoir de restaurant d’entreprise.
Des formules de livraison
pour tout le monde
La force des repas livrés et des foodtech permet à de petites entreprises d’avoir une offre de restauration avec un vaste choix de plats frais. Certaines vont même pouvoir mettre en place des comptoirs créant ainsi une expérience unique pour les salariés venus se restaurer. « La restauration telle que nous la concevons doit être animée et incarnée. C’est donc important d’avoir des sites opérés humainement lorsque c’est possible », indique Sixte de Vauplane.
Cette méthode de livraison permet même pour certains de faire de la liaison chaude, au moyen de hub logistique proche des clients, comme pour Popote. « C’est pour nous un gage de qualité. Un plat chaud servi au comptoir sera sorti moins d’une heure auparavant de notre cuisine. Nous rayonnons pour cela autour du client avec des hubs dans lesquels nous dressons et finalisons la cuisson des plats avant de les renvoyer sur sites. Cela nécessite beaucoup de logistique, mais pour le client, c’est gage de fraîcheur », explique Pierre-Antoine Gallet. Avoir des cuisines centralisées, c’est aussi le choix qu’a fait la société Nestor pour avoir des produits les plus locaux possibles pour leurs entreprises. « Ce sont des partis pris, mais nous voyons tous qu’il y a une vraie attente et que nous avons une belle croissance. Je pense que l’on peut être assez serein sur nos perspectives de développement et de rentabilité », conclut Sixte de Vauplane.
► Dans le prochain numéro, découvrez la 2de table ronde sur la révolution dans l’aménagement des espaces de restauration.
Quid de la pression des prix ?
Les diverses inflations subies ont aussi impacté les entreprises de foodtech. « Nous en demandons plus à la collectivité qu’à la restauration commerciale, ce qui fait qu’avec nos cahiers des charges très rigoureux, cela devient de plus en plus difficile à tenir. Il faut alors réfléchir à d’autres recettes, réadapter celles existantes pour réduire les coûts, mais tout en restant dans les règles », explique Didier Chapuis. Pierre-Antoine Gallet le confirme en choisissant de travailler des produits n’ayant pas subi une grosse hausse de prix. C’est devenu un défi pour tous de devoir tenir les marges tout en maintenant la qualité, « c’est pour cela que nous demandons à nos clients de jouer le jeu avec nous. Cela permet aussi de bien rémunérer les producteurs. Ils sont prêts à le faire, surtout pour aller vers une alimentation plus saine et raisonnée, il faut maintenant qu’ils le montrent », estime Jérôme Lemouchoux.
Et la logistique dans tout ça ?
Pour un acteur de la foodtech, la logistique s’avère importante. La plupart des intervenants ont décidé de l’internaliser, à l’instar de Foodles qui a pris le parti d’engager en CDI ses propres livreurs. « C’est important pour nous qu’il s’agisse des mêmes livreurs qui soient au contact de nos clients, ils véhiculent l’image de notre entreprise. Et puis, ils maîtrisent ainsi le remplissage et la livraison qui est mutualisée. Et cette mutualisation des forces nous permet de baisser nos coûts de livraison », souligne Clément Bonhomme. Cela permet en effet d’avoir un modèle économique assez rentable, en atteste Sixte de Vauplane. « Chez Nestor, nous avons créé un outil logistique et un outil algorithmique permettant d’optimiser la livraison sur un certain nombre de critères. C’est ce qui fait notre force et nous permet de livrer des entreprises différentes. » FoodCheri travaille pour sa part grâce à un maillage géographique lui permettant de livrer au plus près des entreprises.
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